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Date de création : 08.02.2015
Dernière mise à jour : 24.11.2025
567 articles


LA PASTORALE PORQUEROLLAISE

Publié le 09/12/2018 à 10:38 par lepetitmondedeloris Tags : vie moi bonne roman sur france mer homme chez enfants femme société gratuit histoire bonjour nuit nature femmes air place center demain
LA PASTORALE PORQUEROLLAISE

 

 

Lentement, le bateau transperce l’eau étale, d’un noir profond, laissant derrière lui une longue traînée de bave blanche. L’ampoule jaune du plafonnier de la timonerie dessine les contours du capitaine. A la barre, depuis trente ans, Augustin, transporte une fois de plus, des amoureux, des enfants, des habitants, des touristes ou des commerçants sur l’île de Porquerolles. Le bruit sourd des moteurs vient paisiblement troubler le murmure des vagues. Quelques phrases étouffées s’échappent de la cabine de pilotage, du « château » comme disent les marins.

De sa voix douce et profonde, le capitaine déclame une pastorale en provençal. Il joue le rôle du Pistachié apportant un lièvre au petit Jésus. Il aimerait être applaudi. Il aimerait que le mistral se lève, que des lames d’eau salées fouettent sa cabine pour saluer sa prestation. La voûte céleste se déchaînerait avec une rare violence et des éclairs illumineraient ce paysage dantesque. Ce serait alors la fin de la pièce, le moment où le petit peuple de Provence entonnerait son joli chant, le "O rei de glori".Mais nous ne sommes qu’au mois de mai !

Sur le visage d’Augustin l’émotion transparait. Des larmes coulent sur sa peau tannée par trop de soleil. Très vite, il reprend ses esprits car son bateau entre dans le port. Réduisant les moteurs, il accoste en douceur. Les pneus noirs fixés le long des wharfs gémissent un dernier soupir. Le capitaine essuie ses joues d’un geste de la manche.

Bien-sur son rêve aurait été de jouer un jour une vraie pastorale, sur une vraie scène. Il aurait dû être acteur, c’est évident. Mais la vie en avait décidé autrement. Embauché pour une saison seulement par la société des navettes qui rejoint Porquerolles au continent, Augustin le marin y resta toute sa vie. Adieu  rêves de gloire, troublant la mémoire, adieu les planchers grinçants, les rideaux de velours rouges qui tombent comme une guillotine entre les acteurs et les spectateurs. Il faut du bien courage et de l’ambition quand on est provincial et que l’on rêve de brûler les planches. Et puis la vie était douce dans le coin. Son plaisir était de voir, chaque jour, l’île se réveiller ; cette île suspendue entre les éléments, comme un écrin de verdure face à une côte dénaturée. Il sentait les effluves de pins, d’eucalyptus et de tant d’autres plantes qui, depuis si longtemps, embaument ses narines et son cœur.

Mais cette année serait la dernière. Le glas de la retraite allait bientôt sonner et Augustin quitterait à tout jamais son costume de capitaine. Un départ discret et solitaire, tout en douceur, à l’image de sa vie.

 

 

 

-        Mesdames et Messieurs, vous pouvez admirer sur la gauche de l’appareil, l’île de Porquerolles. L’atterrissage aura lieu dans quelques minutes, la température extérieure est de 20 degrés, veuillez attacher vos ceintures.

 

Blotti dans le confort et la douceur de leurs sièges de première classe, Rémi et Josy discutent. Lui est organisateur de spectacle. La femme qui l'accompagne le suit depuis 25 ans. Jadis, il lui avait fait une promesse : " Le jour où j’arrêterai les spectacles, nous nous installerons dans le sud, à Porquerolles ». Elle attendait cela depuis longtemps…

L’atterrissage se fit en douceur. Un taxi les conduisit au port de la Tour Fondue à Giens.

-        Bonjour, monsieur. Deux tickets pour Porquerolles, s’il vous plait.

-        Voilà, ça fait 39 euros.

Rémi fit la grimace. Même s’il n’avait jamais manqué d’argent, il détestait se faire arnaquer.

-        Je comprends pourquoi vous appelez ça les îles, d’or ! Et ce n’est pas un euphémisme, lança-t-il avec panache.

Plus il avançait dans l’âge et plus il avait du mal à encaisser les mesquineries des administrations et les profits réalisés sur le dos des pauvres gens.

Afin de calmer ses vieux nerfs, il monta sur le pont supérieur du bateau, seul. Captivé par la lenteur hypnotique de la mer, il laissait librement dériver ses pensées mais cet état de béatitude fut troublé par un étrange monologue. Quelqu'un déclamait des phrases en provençal. Sans faire de bruit, Rémi s’approcha de la cabine d’où s’échappait la voix et écouta l’homme qui connaissait sur le bout des doigts, le chef d’œuvre de Maurel. Ce soir-là, Augustin jouait dos à son premier spectateur. Les émotions du vieux marin, bouleversèrent Rémi : la colère, la tristesse, l’amour ou la joie de se présenter devant l’enfant Jésus. 

Il descendit sans bruit et retrouva sa femme, touché par ce qu’il venait d’entendre. Sur le quai, il se retourna pour tenter d’apercevoir le vieux marin puis se dirigea vers son hôtel.

 

 

 

 

La nature imite l’art, cette phrase d’Oscar Wilde obsédait Rémi. Les émotions que lui procurait l'île depuis maintenant une semaine, ses harmonies de couleurs et cette douceur de vivre, étaient les mêmes que celles que lui aurait offertes un tableau, un roman ou un opéra. Pourquoi ne pas associer les deux, pensa-il. La place d’Armes est un théâtre à ciel ouvert parfait.

 

Yannick, le directeur de l’hôtel où logeaient Rémi et son épouse, était un jeune homme plein d’élan. Depuis déjà plusieurs années il s'efforçait, avec l'aide de quelques commerçants, de donner une âme véritable village. Cela allait du concours de pétanque au bal du 14 juillet en passant par des expositions ou d’autres manifestations aussi originales qu’intéressantes. Rémi savait qu’il pourrait compter sur cette poignée d’hommes de bonne volonté. Il organisa un dîner dans le meilleur restaurant de l’île pour exposer son projet :

-        Messieurs, laissez-moi tout d’abord me présenter. Je suis Rémi Nadrec, organisateur de spectacle à Paris, à la retraite depuis une semaine.

Tour à tour les convives déclinèrent leur identité et leur profession. D’un air enjoué, Rémi évoqua son arrivée sur l’île. Il parla d’Augustin et de sa prestation sur le bateau avec une telle ferveur que Yannick en fut tout chamboulé.

-        Aussi, Messieurs, je voudrais organiser mon dernier spectacle ici, sur la place d’Armes. Ce sera : « La Pastorale» avec dans le rôle principal Augustin le marin.

-        Vous pouvez nous en dire un peu plus sur votre « Pastorale », demanda Gérard, un vieux pécheur au regard clair.

-        Il s’agit d’une représentation théâtrale chantée et parlée en patois sur le thème de la célébration de la Nativité. L’action se déroule dans un petit village provençal et l’on y retrouve les petits personnages de la crèche, dit Rémi en déployant toute sa verve pour convaincre son auditoire.

-        Mais nous n’avons pas d’estrade assez grande, ni de projecteur, ni de costumes, ni de fauteuils, nous n’avons rien, rien, rien se désola Yannick.

-        Ne vous inquiétez pas. Je m'engage à produire la pièce. Je fournirai le matériel nécessaire et je me charge de la distribution. Mon métier m’a procuré assez d’argent, pour que je puisse tirer ma révérence avec élégance.

-        Christophe prit la parole. C’était un homme de cinquante ans, qui n’avait jamais quitté son île natale.

-        Bon très bien, vous vous occupez de tout. Mais si vous nous avez invités, c’est que vous avez besoin de nous quelque part, non ?

-        En effet, je ne connais personne sur l’île et pour monter un spectacle il faut des autorisations. Le Maire n'acceptera le projet que si la population le soutient. C'est à ce niveau-là que vous pouvez m’aider.

Flatté par son importance inattendue, Christophe acquiesça. Le repas se déroula sous les meilleurs auspices et tous se quittèrent, un peu éméchés, devant l’église en forme de fusée.

Le lendemain matin, les organisateurs se mirent en branle pour démarrer le projet. Rémi et Yannick furent reçus par le Maire à qui ils exposèrent leur idée. Bon enfant, l'élu accueillit l’initiative avec bienveillance et pour faciliter la tâche, il proposa l’aide des services techniques municipaux.

Rémi passa le reste de la journée au téléphone. Il lui fallait dénicher deux ou trois authentiques acteurs provençaux. Pour le reste, il était persuadé de trouver sur l'île des hommes et des femmes capables de jouer les personnages pittoresques de la pièce. Il ne restait plus qu’à convaincre Augustin.

 

-        Bonjour, vous êtes Augustin le marin, n’est-ce pas ?

-        Oui m’sieur ! J’peux  faire quelque chose pour vous ?

-        Voilà,  je m’appelle Rémi. J’organise des spectacles depuis plus de quarante ans sur Paris  et à travers toute la France.

-        C’est un bien beau métier fit Augustin, mélancolique.

-        Ecoutez, bien malgré moi je vous prie de le croire, je vous ai entendu l’autre jour dans votre cabine.

-        Vous m’avez entendu ? Mais je ne vous ai pas parlé moi, je ne vous connais même pas.

-        Là n’est pas la question, je vous dis que je vous ai entendu ! Vous déclamiez…les dialogues de la pastorale.

Surpris, Augustin observa Rémi un instant avant de lui répondre. Comme tous les gens simples, il était gêné. Il ne savait pas si l’on se moquait de lui ou si on le congratulait.

-        Bon et alors ? Vous voulez m’engager à Paris, dit-il d’un ton ironique.

-        A Paris, peut-être pas mais … vous avez vu juste ! Je suis là pour vous engager.

-        Quoi ? Attendez mon bon Monsieur. Allons discuter dans le bateau, nous serons plus tranquilles.

Installé dans l’habitacle privilégié du poste de commande, Rémi exposa à Augustin les grandes lignes de son projet. Il lui fit part de son intention de monter la pièce pour la Noël. Il lui expliqua que sa prestation l’avait impressionné et qu’il était sûr de ne pas se tromper en faisant appel à lui pour jouer le rôle du Pistachié. Surpris par cette proposition inespérée, Augustin, dont les yeux brillaient de mille feux, sortit d’une petite étagère une bouteille de pastis. Il prit dans le réfrigérateur une carafe d’eau glacée et brisa quelques glaçons.

-        Vous savez Monsieur Rémi, j’ai attendu ce moment toute ma vie ! Je n’y croyais plus. Votre Pistachié, je vais vous le jouer et gratuitement encore.

Les répétions allaient bon train en cette fin de printemps. Tous les samedis et dimanches matins, les comédiens se réunissaient pour répéter. Augustin s’avérait être un grand acteur. Par son talent, son éloquence, son sens inné de l’art dramatique mais aussi par son humilité, il avait gagné le respect des autres comédiens et des techniciens.

Bientôt arrivèrent les premières chaleurs de l’été. Les répétitions furent décalées en fin d’après-midi. On accéléra également le rythme. Désormais acteurs professionnels et amateurs répétaient cinq fois par semaine.

-        A-t-on fixé une date, demanda Yannick.

-       Le 24 décembre répondit Rémi. Nous jouerons le soir de Noël. Le spectacle devra être entièrement gratuit et nous finirons par un somptueux banquet digne d’Obélix et d’Astérix auquel seront conviés tous les habitants de l’île.

La proposition fut accueillie avec enthousiasme et acceptée à l’unanimité. Rémi s’occupa lui-même de l’organisation. Rien ne fut laissé au hasard. Lors de la première répétition en costume, Augustin, qui décidément pleure beaucoup dans cette histoire,  fondit en larme, submergé par l’émotion.

Le soir de la générale, quelques personnalités locales eurent le privilège de découvrir la pièce en avant-première. Tous furent emballés.

 

-        Rentrons chez nous maintenant ordonna Rémi car demain, c’est le grand jour.

Comme chaque soir avant une première, le producteur se coucha de bonne heure. Il se leva très tôt pour se rendre sur la place. Les mains dans le dos, Augustin le marin faisait les cent pas.

-        Bonjour, Augustin !

-        Heu… Bonjour monsieur, je répétais dans ma tête la dernière scène.

Rémi s’assit sur le bord de l’estrade. Augustin l’imita.

-        Cela fait trente ans que je m’occupe de spectacles et jamais je n’ai pu m’endormir correctement la veille d’une première.

-        Vous, au moins, vous avez dormi ! Moi je n’ai pas fermé l’œil de la nuit.

Ils se sourirent affectueusement. Au bas de la place, Marco, le boumian de la pièce,  pédalait péniblement pour faire démarrer sa mobylette.

-        Tiens, lui non plus ne dors pas, s’exclama Rémi en riant. Venez ! Je vous offre le petit déjeuné.

Les trois hommes se rendirent dans le seul bar ouvert à cette époque de l’année. Ils avalèrent tant bien que mal, un grand crème face au port encore endormi. La journée ne fut que préparatifs de dernières minutes.

Vers dix-neuf heures, la place se remplit d’hommes et de femmes venus du village mais aussi du continent. Chacun s’étaient mis sur son trente et un. Malgré le froid, les chaises furent prises d’assaut. Derrière le rideau de velours rouge, maquilleuses, éclairagistes, habilleuses et accessoiristes s’agitaient dans une effervescence communicative.

 

Vingt heures trente. TOC TOC TOC TOC TOC TOC TOC !

 

La place d’Armes se fige. Dans un silence religieux le rideau s’ouvre. A tour de rôle les acteurs se succèdent sur le devant de la scène. Comme dans un rêve, ils interprètent leurs personnages avec panache. Chacun tient son rôle à la perfection. Pour la dernière scène, Augustin chante de sa voix forte en regardant le ciel. Les spectateurs hypnotisés regardent les artistes évoluer autour du divin enfant.

Soudain, le rideau tombe tel un couperet. Les artistes se congratulent et les spectateurs applaudissent à tout rompre. Pour saluer le public, les comédiens retournèrent sur scène en compagnie de Rémi qui saute au cou du marin… en larmes !

Aujourd’hui, Augustin ne conduit plus de bateau. Il n’est plus jamais remonté sur scène. On le voit quelquefois, au crépuscule, remonter la place d’Armes en marmonnant d’étranges phrases : Lou fiéu de Diéu es neissu questo nue. Jamai crido pu bello Aura pu bèu matin !



Commentaires (2)

Anonyme le 21/12/2018
Quelle émotion ! C’est très joli.
Merci
Brigitte


Anonyme le 26/12/2018
nous somme le 26/12/2018
je suis au bureau,l activité est très calme!
j ai donc regardé mais mails, ouvert celui de Porquerolles info 10 et cliqué sur le lien Lepetitmondedeloris, pour lire "La pastorale Porquerollaise"
je me suis régalé !! quel joli conte,
pendant un instant j étais sur la navette...
...puis parmi les spectateurs sur la place ...!
félicitations


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